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 Chronique d’un quartier

Un documentaire de 30 minutes réalisé par François Bernard

  • webalice
  • Samedi 08/07/2006
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Une chanson du spectacle voix d’eau de Florence Vielle, produit par le théâtre Paul Eluard de Choisy le Roi est à l’origine du documentaire « chronique d’un quartier », c’est ce spectacle fondé sur le collectage des paroles d’habitants de la ville, qui a donné l’idée aux responsables du service politique de la ville, de produire un documentaire « au plus proche des gens et qui permette de mettre en valeur des personnes qui, au sein de leur ville, au sein de leur quartier s’intéressent à leurs voisins… » Elles souhaitaient être surprises par ce film, rencontrer des gens qu’elles ne connaissaient pas et rencontrer également des gens qu’elles connaissent et qu’elles côtoient au cours de leur travail, donner un autre regard sur leur quartier, sur leur ville. Mais il ne s’agit pas à proprement parler d’un film de commande. Elles souhaitaient qu’il soit réalisé par quelqu’un qui ne connaisse pas Choisy le Roi et elles lui ont laissé une totale liberté, qualité suffisamment rare pour la mettre en évidence. Au delà des images, Choisy le roi est une ville qui doit au fleuve sa naissance et son évolution historique. A l’aube du Moyen-Âge, Choisy est un petit hameau regroupant quelques pêcheurs et mariniers, dépendant de la paroisse de Thiais, elle-même fief de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Au XIIIe siècle, la localité devient une paroisse distincte et l’on y construit la première église, Saint-Nicolas, patron des mariniers. La "véritable histoire" de la ville débute lorsque Mademoiselle de Montpensier, dite "La Grande Mademoiselle", cousine de Louis XIV, s’y fait construire un château à la fin du XVIIe siècle. Après sa mort en 1693, Mesdames de Louvois, de Sévigné, de Coulanges y séjournent, puis c'est Louis XV qui le rachète en 1739 et l’élève au rang de résidence royale, donnant ainsi ses lettres de noblesse à la ville qui prend le nom de "Choisy-le-Roi" et vit alors sa période la plus faste ; Louis XV y vient souvent avec Madame Pompadour ; les gens de la cour font construire d'élégantes demeures aux alentours du château. Le roi ordonne la construction de l’église, aujourd’hui "cathédrale Saint-Louis" et, pour traverser le fleuve, commande quelques gondoles… qui donnèrent leur nom au quartier où elles furent construites. De 10 000 habitants en 1900, Choisy atteint plus de 40 000 habitants en 1950. L'urbanisme s'en trouve profondément marqué : l'habitat collectif se développe de façon importante jusqu'à la fin des années 70, afin de répondre aux besoins massifs de logements. De nombreux quartiers sont créés : celui du parc, du centre ; ceux des Gondoles se développent de part et d'autre de la N186. Choisy-le-Roi est devenue ainsi, au fil de l’Histoire, une ville mi-résidentielle, mi-industrielle, ayant conservé sa tradition de mixité sociale et urbaine.

C’est dans le quartier du centre que nous avons tourné ce documentaire, filmé depuis la banlieue et non pas un film de plus sur la crise des banlieues. Dans le quartier du Centre, sur la dalle de pur style architectural des années 70, qui en occupe une grande partie, une réflexion est en cours pour restructurer, rénover ce quartier, un quartier que l’on pourrait ailleurs qualifier de périphérique, ici la périphérie est au centre… Les personnages : Rosette la patronne du bar de la marine, est arrivée en 1960 à Choisy, ses parents tenaient déjà ce café restaurant fréquenté par les employés des entreprises proches et les mariniers, qui rapportaient à chacune de leurs escales une assiette décorée, souvenir de leurs voyages. Elles ornent maintenant les murs de « la Marine » ou Rosette maintient la tradition d’un lieu convivial et ouvert, qui organise des spectacles de musique, de conteurs ou des débats théosophiques. Un lieu culturel informel où les clients se sentent chez eux. Gérard , le directeur du cinéma, aime bien cette ambiance et ce soir là, il avait décidé de renouer avec l’origine du cinématographe et comme dans le passé, de tendre un drap, d’amener un projecteur et de diffuser des courts métrages. C’est sa façon à lui d’ouvrir des portes et de se poser une question fondamentale : « comment entraîner la population (et pour lui c’est le public), le public qui viendra ou ne viendra pas » l’idée consiste à créer des rendez-vous non limitatifs, dans d’autres lieux, aller à la rencontre du public en quelque sorte. Lorsque Monsieur Bessière est venu diriger le Rimm’s une autre brasserie restaurant dans le quartier du centre sur la dalle, ses amis et relations ont tenté de le dissuader de s’installer dans un quartier avec une aussi mauvaise réputation mais où il constate avec son bon sens aveyronnais, que depuis 17 ans qu’il travaille à Choisy, il ne s’est rien passé de grave. Au niveau de l’école et des parents d’élèves, ils se sont regroupés et comme ils étaient assez battants et qu’ils venaient de province, , ils se retrouvaient le week-end, ils ont vécu comme ils ont grandi, ils vivaient dans des villages où tout le monde se connaissait, ils ont été élevé comme cela. Ils ont organisé un repas de quartier et se sont aperçus que dans leur quartier pavillonnaire les gens se connaissaient moins que dans les tours à proximité, malgré leurs 18 étages et le manque de liens entre les habitants. Les liens, c’est le projet organisé par la directrice de l’école maternelle qui avec la complicité de quelques parents a fabriqué des guirlandes géantes avec les enfants, liens qui ont pour un bref moment relié l’école aux appartements. Les liens entre les habitants, le vivre ensemble c’est également l’objectif de Jean Claude, retraité de la SNCF, il est préoccupé par les liens entre les habitants et les travailleurs sociaux, entre les jeunes et les anciens, entre le quartier et une artiste comme wabé, qui après avoir créé une fontaine monumentale au centre du quartier, à la demande de la ville est restée pour animer des ateliers avec des adultes, pour réfléchir aux questions de volumes et de couleur et leur permettre de peut être un jour à leur tour, animer des ateliers sans elle, elle tente de donner l’envie d’aller ailleurs, par la création et le désir… La question de l’art, est aussi importante pour Nicolas, il a 20 ans lui et ses amis ont créé l’association Hors Norme. Au lendemain du résultat des élections du 21 avril 2002 lui et d’autres musiciens ont créé un CD, pour donner leur point de vue. Plus récemment ils sont partie en Palestine réaliser une fresque avec des enfants dans le camp de réfugiés de Déhaishé. Leur objectif donner une autre image de la banlieue, une image plus réelle que celle présentée par les médias à propos des quartiers, qu’ils contribuent à rendre « impopulaires ». Nicolas et ses amis ont envie d’ailleurs et veulent aller voir ailleurs, ils ne peuvent se contenter de la version des miroirs médiatiques. Le voyage aussi est important pour Jacques Donzelot, ses voyages en Europe et en Amérique du nord, l’ont amené à réaliser une étude comparative entre les politiques de la ville en France et aux USA, dont il rend compte dans son dernier livre : faire Société, Seuil, Paris, 2003. Que faire lorsque la ville se défait ? Il faut faire société, c’est-à-dire lutter contre la partition, alors qu’en France on fait du social, c’est-à-dire qu’on travaille à la répartition. Les quartiers sont défavorisés non seulement parce que les habitants n’ont pas accès au travail mais aussi parce qu’ils subissent l’espace au lieu d’y être intégrés . Il relate « l’histoire d’un échec progressif des politiques en direction des gens, des politiques qui précisément voulaient jouer cette carte de la confiance, de redonner confiance aux gens, de les amener à développer leur quartier, à se développer en développant leur quartier ». Il accuse à la fois notre culture qui n’est pas tant, une culture de démocratie participative que de revendication, « nous avons une culture de la plainte très développé. L’accent est mis de plus en plus, sur le traitement physique du renouvellement urbain, de démolition-reconstruction et donc de mixité, comme si la mixité imposé, la mixité réalisé par une opération urbanistique pouvait à elle seule apporter la solution ». Pour lui « nous n’avons que des initiatives qui viennent du haut, » il affirme : « quand vous regardez les associations qui sont financées par la politique de la ville, elles doivent correspondre aux priorités de la politique de la ville à tel point que c est ridicule, cela a capacité à éteindre toute initiative, la dynamique, nous importe moins que la conformité. Le problème c’est que l’on a pas confiance, l’administration, les politiques n’ont pas confiance dans les gens ». Les habitants de Choisy le Roi et leurs élus semblent lui donner tort, pourtant les événements, révoltes, émeutes de Novembre 2005 continuent de poser la question, sans que depuis 20 ans, la vie dans ces quartiers n’ait l’air de s’améliorer et ce n’est pas à coup de Karcher que l’on pourra y changer quelque chose...
voir le film sur youtube : http://www.youtube.com/results?search_query=chronique+d%27un+quartier&oq=chronique+d%27un+quartier&gs_l=youtube.1.0.35i39.655.5666.0.15496.21.13.0.0.0.0.1071.3916.3j4j2j2j7-2.13.0...0.0...1ac.1.YEo0OE-n_Qw