La coopération est l’opposé de la compétition. La théorie de l’évolution de Darwin est essentiellement basée sur la sélection dans un but de survie et donc de compétition. Or ce principe est remis en cause par un nouveau modèle mathématique développé par des scientifiques d’Allemagne, d’Angleterre et des Pays-Bas. Deux paramètres, la réciprocité et le voisinage, influençant les comportements et prises de décision, ont été testés selon les méthodes de la théorie des jeux. Les résultats de cette étude montrent que, grâce à ces deux paramètres combinés, les théories de l’évolution peuvent malgré la compétition développer des comportements d’entre-aide et de coopération pour l’intérêt collectif. La coopération est l’opposé de la compétition. La théorie de l’évolution de Darwin est essentiellement basée sur la sélection dans un but de survie et donc de compétition. Or ce principe est remis en cause par un nouveau modèle mathématique développé par des scientifiques d’Allemagne, d’Angleterre et des Pays-Bas. Deux paramètres, la réciprocité et le voisinage, influençant les comportements et prises de décision, ont été testés selon les méthodes de la théorie des jeux. Les résultats de cette étude montrent que, grâce à ces deux paramètres combinés, les théories de l’évolution peuvent malgré la compétition développer des comportements d’entre-aide et de coopération pour l’intérêt collectif. Le modèle le plus simple pour analyser la coopération en théorie des jeux est le « Dilemme du prisonnier ».Couramment utilisé en économie expérimentale, il propose à deux joueurs de choisir entre coopérer ou se désister sachant que la coopération des deux joueurs entraîne une récompense pour chacun. Les joueurs ont donc tous deux intérêt à coopérer. Une règle supplémentaire implique que, dans le cas où l’un des deux se désiste, ce sera celui qui aura coopéré qui perdra le plus. Ainsi, si les joueurs n’ont qu’un seul essai, on constate que chaque individu a personnellement intérêt à se désister bien qu’ils auraient gagné plus en coopérant. Ce système modélise le conflit entre bénéfice personnel et rationalité de l’intérêt commun. Une étude publiée le 4 juin 2012 dans la revue en ligne PNAS par des équipes de l’université d’Amsterdam, de l’institut Max-Plank ‘Biologie Evolutive’ et de Harvard ont introduit dans le « dilemme du prisonnier » deux paramètres supplémentaires, la réciprocité et l’entourage d’une population similaire. Selon Matthijs van Veelen, économiste à CREED de l’université d’Amsterdam, « ces deux éléments ont été abondamment étudiés en dynamique sociale. Mais pris ainsi de façon indépendante aucun d’eux ne permet d’obtenir une situation de coopération. Pourtant les comportements collaboratifs existent et notamment chez l’espèce humaine. C’est ce que nous avons cherché à modéliser. » Lorsque les joueurs sont mis une seule fois face au dilemme du prisonnier, ils auront tendance à toujours choisir de ne pas coopérer afin de minimiser les pertes. Si le « jeu » est reproduit plusieurs fois, les comportements sont alors modifiés par la prise en compte de la réaction de l’autre joueur au tour d’après. En effet, chacun peut craindre des représailles de la part de l’autre en réaction à une défection. La réciprocité est alors modélisée par la répétition. La situation atteint alors un équilibre appelé « équilibre de Nash » dans lequel aucun joueur n’a intérêt à changer sa stratégie. Ce résultat est très connu des économistes. Il est aussi utilisé en biologie, psychologie, législation et sociologie. Néanmoins si un choix désavantageux est introduit dans la succession des stratégies des joueurs (on force un joueur a ne pas coopérer) alors tout l’équilibre est rompu. La coopération totale des deux joueurs n’est alors plus conservée. Les chercheurs ont trouvé que l’ajout d’un second paramètre, la structure de population, pouvait alors permettre de retrouver de la coopération malgré la perturbation de l’équilibre. La structure de population est la prise en compte des échanges directs entre plusieurs participants voisins qui jouent selon la même stratégie. Ce genre d’interactions peut être trouvé dans plusieurs catégories de population. « Par exemple, explique Matthijs van Veelen, on considère selon un modèle simpliste que les frères et sœurs vont souvent prendre les mêmes décisions du fait de leur éducation commune. Une même culture au sein d’une population ou d’un pays peut aussi induire cet effet. » Ce paramètre est connu pour favoriser des sentiments comme l’empathie et des comportements d’entre-aide et de coopération. « Grâce à notre simulation, nous étudions les interactions entre ces deux mécanismes, la réciprocité et la structure de population. Nous avons tracé l’ensemble des stratégies des individus obtenues en faisant varier ces paramètres. Cela nous a permis de distinguer des configurations dans lesquelles apparaissent des comportements coopératifs malgré une rupture occasionnelle de l’équilibre. » La coopération construite sur la base de la réciprocité uniquement n’est pas stable. Par contre, la combinaison des deux, par exemple répétition du jeu et quelques interactions au sein d’une population d’intérêt commun, permet de retrouver une coopération selon un équilibre stable. « Selon les quantités ajoutées des deux ingrédients : rétribution et structure de population nous obtenons différents degrés de coopération : coopération maximale, oscillation entre coopération et désistement, désistement total. » Bien que ce modèle soit simpliste, ceci est particulièrement vrai pour les sociétés humaines. Nos tâches quotidiennes sont généralement répétitives. Le partage d’une information ou l’entraide sont des décisions qui opposent souvent intérêt commun et gain personnel. Mais les interactions directes entre les individus ajoutent à cela des éléments d’empathie, de respect etc. notamment au sein d’un même groupe, d’une même famille ou d’une population. « Les paramètres qui permettent la coopération sont donc différents à différents endroits du monde et dans différentes cultures. De manière générale, ceci nécessite des liens sociaux entre les individus ainsi que la répétition de la situation afin d’exercer une pression sur la prise de décision. » La présence de plus en plus importante des réseaux sociaux numériques, credo de la philosophie MyScienceWork, bouleversent nos rapports aux « autres ». Ils permettent de créer des structures de population d’intérêt commun sans qu’il y ait de rapprochement géographique. Les résultats théoriques de cette récente étude nous permettent donc de mieux comprendre le fort couplage entre web 2.0 et pratiques coopératives et collaboratives à grande échelle. Voici une vidéo faisant partie du matériel associé à une récente publication sur la coopération chez les éléphants (voir En savoir plus) Source : M. van Veelen, J. Garcia, D. G. Rand, M. A. Nowak. Direct reciprocity in structured populations. Proceedings of the National Academy of Sciences, 2012; DOI: 10.1073/pnas.1206694109 En savoir plus : Evolution de la coopération au sein d’une population dans un environnement spatial http://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=2&ved=0CFQQFjAB&url=http%3A%2F%2Fnimbios.org%2F~xavier%2Fmemoire.pdf&ei=Xk_YT829MMyt8QOb4MiQAw&usg=AFQjCNG6J3-TYhoPpd0qi9NLZvsXJRuqkQ Elephants know when they need a helping trunk in a cooperative task http://www.pnas.org/content/108/12/5116 Les activités coopératives apparaissent de nos jours sous de nombreuses formes: OuiShare : la communauté de l’économie collaborative http://consocollaborative.com/ Le Co-LabCoopération, co-opétition, collaboration, co-opportunité, économie collaborative, co-management, Co-Révolution… KesaCO? http://www.co-lab.fr/a-propos/ Echanges directs et voisinage similaire :
deux paramètres nécessaires à l’apparition de comportements coopératifs ?
Diogènes aide Marat a s'échapper de l'asile. Source : quapan / Flickr