Le 9 juillet 2013
Le collectif des associations citoyennes adressent une Lettre ouverte à Monsieur Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sous couvert de Mme Valérie Fourneyron, Ministre de la jeunesse, des sports, de l'éducation populaire et de la vie associative, à laquelle nous associons et que nous incitons à diffuser et à soutenir www.associations-citoyennes.net/
Alice Coopératif Concept
Monsieur le Premier ministre,
Le gouvernement vient d'annoncer 14 milliards d'euros d'économies à réaliser en 2014. Les associations sont directement visées par ces restrictions budgétaires qui font courir un énorme risque sur l'apport financier qu'elles reçoivent sous forme de subventions publiques. En effet, tous les ministères sont touchés par l’austérité, et les restrictions des dotations de l'État aux collectivités territoriales sont telles qu'elles ne peuvent qu'amener ces dernières à concentrer leurs ressources sur les dépenses contraintes, au détriment de la vie associative et de la démocratie.
Pour la très grande majorité des associations, les collectivités territoriales sont devenues les principaux soutiens publics. Or, dans les départements, les dépenses incompressibles sont en accroissement rapide et, pour une part, en corrélation directe avec l'accroissement du chômage, lui-même en partie le résultat des politiques de rigueur. Les départements ne disposent plus du même levier fiscal, avec seulement 19 % de la taxe sur le foncier bâti, et sont devenus plus dépendants de l'État. Les régions se trouvent également dans une situation très difficile, comme viennent de le souligner le 3 juillet les présidents de région. L'accroissement de leurs compétences risque de les amener à recentrer leur action sur l'économie et la formation professionnelle, au détriment des investissements et du secteur associatif. Les communes sont également très touchées, et risquent de perdre toute marge de manœuvre en 2015.
Cette situation, conjuguée avec l'accroissement des besoins, ne peut que se traduire par un abandon des subventions pour les actions ne relevant pas des compétences obligatoires des collectivités, avec des différences très importantes selon les situations locales, les politiques suivies et les secteurs. Cela concerne la culture, l’éducation populaire, l'environnement, le sport, la politique de la ville, la défense des droits..., c'est-à-dire les actions déterminantes les plus porteuses des valeurs fondamentales de la vie associative et de l'avenir de notre démocratie.
Comme vous le savez, bien que les associations ne soient pas subventionnées à 100 %, mais en moyenne à 50 % seulement (le reste de leurs ressources étant principalement apporté par leurs membres sous forme de cotisations ou de rémunération des services rendus), dans bien des cas les subventions publiques sont nécessaires à la survie de leurs actions et leur disparition se traduirait par une perte beaucoup plus importante d'activités d'intérêt général, avec un effet multiplicateur de l'ordre de 1 à 3.
Pour celles des associations qui emploient des personnels permanents, ce serait une véritable catastrophe qui se traduirait, sur le territoire national, par un énorme « plan social » plus important encore que ceux qui touchent l'industrie et les services, d’ampleur équivalente à celle des reconversions industrielles des années 80. Des dizaines de milliers d'emplois seraient supprimés, sans aucune compensation. Partout, des dizaines de milliers de petits liens fragiles constituant le tissu social risqueraient d’être rompus. Leur destruction contribuerait directement au renforcement de la désespérance par rapport à la démocratie, notamment dans les zones rurales et les quartiers, comme le montreraient certainement les prochaines élections si rien n’était fait pour y porter remède.
En outre, l'économie réalisée par l'Etat à cette occasion ne serait qu'illusion : combien de dépenses nouvelles généreraient les 14 milliards d'économies annoncés ?
A titre d'exemple, un salarié associatif, rémunéré 1,2 fois le SMIC pour un emploi non aidé, de plus de 3 ans d’ancienneté, reçoit 15 600 € de salaire net annuel. Il verse, avec son employeur, 12 800 € de cotisations sociales (soit 28 400 € de salaires et cotisations sociales). Si la subvention reçue par l’association est de 50%, « l’économie » générée par sa suppression serait de 14 200 €. Si ce salarié se retrouve au chômage, le coût pour l'assurance-chômage sera de 20 000 € (salaire brut) x 57,4 % = 11 400 € par an pendant 2 ans. Au total, cette décision produit dès la 1ère année 12 800 € de moindres rentrées sociales et 11 400 € d'allocations-chômage supplémentaires. Cela représente un coût public total de 24 200 €, pour une économie de 14 200 €, c'est-à-dire presque 2 fois « l'économie » apparente réalisée. Voilà pourquoi l'annonce faite par le gouvernement, si elle était mise en œuvre, ne pourrait que creuser encore plus le déficit public, comme le montrent par ailleurs les exemples de la Grèce, des pays de l'Europe du Sud ou de l’Irlande qui se sont engagés dans des politiques de rigueur comparables.
En outre, cette approche purement comptable doit être complétée par la prise en compte des effets indirects de ces mesures. Les suppressions d'emplois induites par ces fausses "économies" budgétaires se traduisent par une multiplication des souffrances sociales et des vies brisées dont les conséquences ne sont pas mesurables. Elles ont aussi des effets négatifs directs sur l'économie et l'équilibre des territoires. Elles risquent enfin d'aboutir à la destruction de projets associatifs patiemment construits, nécessaires à la société, intelligemment conduits, et à la perte de l’immense engagement bénévole assuré par les associations citoyennes. Ce bénévolat est créateur de richesses, directes et indirectes. Il est créateur de citoyenneté, de lien social, d'enrichissement culturel et d’éducation à la citoyenneté.
La décision annoncée ne peut s'expliquer que par le cloisonnement des objectifs fixés à chacune des administrations. Au sein du gouvernement, qui a en charge la globalité des choses, c'est au Premier ministre qu'il revient de se préoccuper des conséquences sociales, culturelles et politiques de telles décisions.
Pour leur part, les associations citoyennes refusent d'être considérées comme la variable d'ajustement de tout plan de rigueur. Aussi, se préparent-elles à manifester ce refus durant la semaine du 14 au 22 septembre, tout en affirmant le caractère indispensable de leur rôle pour sortir de la crise et inventer des solutions pour l'avenir.
En vous remerciant par avance de la prise en considération de la réalité associative qui constitue, par son engagement citoyen, un apport essentiel dans le renforcement du tissu social de notre pays, nous vous prions de croire, Monsieur le Premier ministre, à l'assurance de notre haute considération.
Pour le collectif des associations citoyennes,
Jean Claude BOUAL, Marie Dominique CALÇA, Yves GUERRE, Christophe MORVAN, Didier MINOT, Nicole PICQUART,
Daniel ROYER, Colette SPIRE, Alain TREDEZ, Bernard VACHERON
Collectif des Associations Citoyennes 15 avenue Robert Fleury 78 220 Viroflay tél 01 30 24 07 73 contact@associations-citoyennes.net Site www.associations-citoyennes.net