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 valoriser une économie politique de la santé.

numéro spécial de la Revue de la régulation

  • webalice
  • Lundi 22/07/2013
  • 11:41
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La Revue de la régulation. Capitalisme, institutions, pouvoirs lance un appel à contributions en vue d'un dossier spécial.

Ce projet de numéro spécial de la Revue de la régulation a pour objectif de valoriser une économie politique de la santé. Une telle approche n’est pas seulement une façon particulière d’analyser les problèmes posés par le secteur de la santé. C’est aussi une manière de voir indispensable si on veut prendre sérieusement en considération les spécificités de la santé. Ainsi, comment peut-on raisonnablement analyser les problèmes de politique économique de santé en se cantonnant à une analyse technique, faite de modèles théoriques désincarnés et déshumanisés dont use et abuse l’économie mainstream. Cette vision fantasmée de la scientificité reposant sur le culte des sciences dites exactes exclut toute ouverture aux autres sciences sociales. Or, l’économie appartient aux autres sciences sociales. Et c’est particulièrement le cas de l’économie de la santé car la santé est un fait social total. Elle enchevêtre différentes dimensions, juridique, économique, sociologique voire religieuse pour réaliser, dans l’organisation du système de santé, le pacte social constitutif d’une société.

En déroulant dans le secteur de la santé comme dans d’autres secteurs, des théories prêtes à penser et livrées clef en main, l’économie de la santé mainstream s’est au total éloignée du secteur qu’elle prétend étudier. En effet, le domaine de la santé met en évidence le fait que l’humain peut souffrir et qu’il est souvent particulièrement démuni face à la maladie et plus encore à la mort. Qu’y a-t-il de commun entre ce patient1 et l’agent parfaitement rationnel de la théorie standard ? Le malade ne rentre pas aisément dans les habits du consommateur rêvé de l’analyse orthodoxe. Pas plus qu’il ne peut être l’individu fantasmé de la théorie de l’assurance qui a intérêt à passer son dimanche aux urgences parce que c’est gratuit.

La primordialité de la santé oblige à reconnaître que la santé n’est pas un bien comme un autre qui pourrait être déclassé au rang de bien marchand comme n’importe quel bien privé au nom de la promotion de la concurrence considérée comme un principe universel. On doit aussi convenir que les problèmes de justice (ou d’injustice) s’expriment avec une intensité particulière quand ils touchent la délivrance et la distribution des soins. En matière de santé plus encore que dans d’autres domaines, il est difficile de s’affranchir de cette exigence éthique.

Il ne s’agit cependant pas uniquement de condamner la boîte à outil mainstream quand elle cherche à s’appliquer à la santé. Il s’agit aussi de montrer que le secteur de la santé est un révélateur des insuffisances de l’analyse économique standard. Il existe bien d’autres domaines où les apories de la pensée mainstream sautent aux yeux, mais la santé en offre une caisse de résonance stimulante.

Si la santé est un exemple exemplaire, c’est aussi parce qu’elle résume une bonne partie de l’évolution des politiques sociales, notamment le report sur la libre prévoyance, l’individualisation des protections et le transfert de gestion des fonds public des prestations sociales à des acteurs non étatiques. L’hôpital, hier symbole du pacte social républicain, est désormais un laboratoire des théories de la concurrence et de la doxa selon laquelle les mêmes règles doivent s’appliquer au public et au privé. L’étude de la « réforme » de la santé montre comment une théorie du changement doit s’articuler autour du triptyque idées/intérêts/institutions. Les idées, référentiels ou conventions font vivre les institutions et leur donnent sens. Elles s’inscrivent dans des trajectoires historiques et des rapports de force récurrents (notamment entre le libéralisme médical et le souci des réformateurs sociaux de socialisation de la dépense) mais aussi dans des alliances politiques entre certains groupes sociaux dont le patient fait les frais, au sens propre comme au sens figuré. 

Plus encore, la santé est un exemple type parce qu’elle est au cœur de l’évolution du capitalisme. Il convient en effet de prendre très au sérieux l’hypothèse selon laquelle la santé puisse être au capitalisme moderne ce que l’automobile était au fordisme. Une fraction croissante de la production et de la consommation porte désormais sur la santé, mais aussi sur l’éducation, les loisirs. Ce nouveau régime d’accumulation est dit « antropogénétique » parce qu’il vise à reproduire l’homme par le travail humain. Le développement de ce modèle impose un accroissement de la dépense de santé, qui appelle des financements. La dépense de santé ne peut pas être que privée. C’est donc les budgets publics qui sont appelés à augmenter, ce qui constitue un défi à la marchandisation. Dans cette perspective, considérer que la santé n’est qu’un coût à réduire est une stratégie absurde.

 Ce dossier de la Revue de la régulation. Capitalisme, institutions, pouvoirs a ainsi pour ambition d’éclairer en quoi le système de santé est emblématique des évolutions du capitalisme contemporain et de ses contradictions. La santé n’a pas que des enjeux sectoriels, mais une importance qui dépasse le secteur de la santé. Ce qui en fait un exemple exemplaire. L’appel est notamment adossé au séminaire d’économie politique de la santé (SEPOSA).

Les textes pourront porter sur différents aspects du système de santé (médecine libérale, hôpital, industrie pharmaceutique, assurance santé, …).

Les articles soumis ne doivent pas dépasser 10 000 mots (notes, références bibliographiques, annexes, tableaux et figures inclus). Les normes de publications sont accessibles à l’adresse suivante : http://regulation.revues.org/1701

Les articles doivent être envoyés aux trois adresses suivantes :

philippe.batifoulier@u-paris10.fr

jp.domin@univ-reims.fr

regulation@revues.org

Merci d’adresser vos articles avant le 15 décembre 2013.